Rambert Eugène – Les Alpes suisses (5ème série) : Cette cinquième et dernière série des Alpes suisses nous narre d’abord le journal d’une marmotte philosophe. Après avoir été capturé par les humains, ce solitaire est l’objet du rejet de ses congénères car le collier dont il ne peut se débarrasser est imprégné de l’odeur de l’homme. Il questionne le « Grand Sommeil » qui atteint son espèce et se demande si vraiment le monde et la succession des jours et des nuits s’arrête durant cette période. Il souhaite sans y parvenir éviter de s’endormir en hiver pour « savoir ». Non dénué d’anthropocentrisme, ce conte enlevé est plein de charme. La deuxième partie reprend l’histoire des Landsgemeinde, ces assemblées où le peuple entier d’un Canton suisse (enfin, les hommes, à l’époque) se réunit pour régler les affaires de l’État.
Cette coutume a survécu de nos jours dans quelques cantons montagnards de la Suisse. Eugène Rambert distingue la période héroïque puis la dégénérescence de cette démocratie directe et enfin la période actuelle après la période napoléonienne et la Constitution de 1848. S’appuyant sur des documents d’archives, des témoignages et des expériences vécues, cet essai pose de nombreuses questions, au-delà d’une vision idyllique de cette expression de démocratie directe, limitée toutefois à des vallées alpines ayant pu être parfois un peu fermées sur elles-mêmes. Au fil de la lecture, on ne peut manquer d’évoquer les aléas des démocraties actuelles, le populisme ou la désaffection pour le chose publique, les libertés individuelles et la communauté.
La série des Alpes suisses, d’Eugène Rambert (1830-1886), qui s’achève avec ce cinquième volume, s’inscrit dans le droit-fil du mouvement d’appropriation culturelle et scientifique du massif alpin qui fleurit particulièrement aux 18e et 19e siècles. L’œuvre, dynamique dans sa diversité, est celle d’un érudit et d’un curieux qui fut à la fois professeur (il donna son nom à un prix littéraire), poète, essayiste, naturaliste et grand amateur d’altitude. L’ouvrage, écrit d’une plume alerte et enjouée, fut publié en cinq séries entre 1864 et 1875. Malgré son ampleur encyclopédique, l’ensemble, quelque peu disparate, reste très accessible, car l’auteur a soin de mettre ses connaissances du terrain à la portée de son public citadin et sait faire partager à ses lecteurs sa ferveur d’alpiniste.
Professeur de littérature française à l’École polytechnique de Zurich, poète, critique et humaniste pétri d’érudition scientifique, Eugène Rambert offre dans son encyclopédie alpine une contribution pittoresque à l’exploration d’un massif qui reste encore, à son époque, un monde à découvrir.
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