
Dabit Eugène – Train de vies: Des récits émouvants, des vies simples, des vies de gens ordinaires avec leurs peines et leurs amours, des gens désespérés au courage du quotidien ou qui, comme Monsieur Petitfrère, ont trouvé leur rêve. Comme l’écrit Eugène Dabit dans son Journal en avril 1935, des «Vies, qu’on devine derrière ces murs. […] Chacun ses joies, ses amours, ses haines. Pauvre troupeau humain, qui n’est pas très conscient de sa servitude.»
L’année précédente lors de son séjour en Espagne, où il écrivit plusieurs des nouvelles de ce recueil: «Comment ne pas songer à ces quatre mois si vite écoulés, durant lesquels j’ai travaillé, nagé, vécu heureux? J’ai pu, et je l’ai écrit ici, souhaiter parfois qu’ils s’écoulent vite, appeler je ne sais quel inconnu.» (octobre 1934.) Et enfin, en fin novembre 1935: «J’ai pu travailler davantage que les jours précédents. À ce volume de nouvelles: Vies (premier titre envisagé pour Train de vies). Nouvelles déjà publiées, et que je reprends une à une.»
De ces nouvelles, citons Les deux Sœurs dont il écrit en septembre 1934: «C’est un beau matin, la lumière est douce et calme sur la campagne. Une semaine déjà que je suis à Toledo. Vie agréable, nourrissante. […] J’ai repris et terminé Les Deux Sœurs [qui fut publiée le 11 octobre 1935 dans Gringoire.] Je me propose d’écrire encore une ou deux nouvelles.» Et, pour Monsieur Petitfrère : «Combien j’aime être en mer! À quoi bon dire pourquoi, cela ne se peut dire que dans un poème; cela ne peut s’expliquer sans lieux communs. J’ai fait de mon mieux dans L’Île pour dire cet amour. […] J’écris une assez longue nouvelle : Monsieur Petitjean, et les soirées ent trop vite, ou se terminent trop tôt.» Elle sera publiée sous le titre «Monsieur Petitfrère» dans Europe du 15 septembre 1935 et reprise dans Train de vies. Fin d’une vie, fut publié dans Marianne le 13 mai 1936 et repris dans Train de vies avec Un homme et un chien.
Témoignages conclut le recueil : «J’ai é presque dix jours sur cet essai que m’a demandé d’écrire Jean Guéhenno pour un n° spécial d’Europe consacré aux années 1914-1934. Essai, c’est beaucoup dire pour une vingtaine de pages de revue. Je les ai écrites avec ardeur, je me suis replongé dans le é, mon é. Je n’ai pas cherché à arranger mes souvenirs, si du moins j’ai tenté de m’exprimer avec la plus grande clarté possible. Cela m’a donné, peut-être, quelque idée de ce que pourraient être des Confessions. Que je suis loin de l’aisance et du mouvement dont faisait preuve J.-J. Rousseau ! Je ne puis que reconnaître mon impuissance, et c’est tout; et céder à ma voix intérieure. Ce que j’ai fait.» «Ce texte ressemble à un testament où il explique les raisons qui l’ont poussé à écrire : il y raconte à nouveau son entrée dans la guerre mais il y éclaire différemment le rapport au père et à l’écriture. […] en devançant l’appel, Dabit choisit son corps et en intégrant un régiment d’artillerie il a «plus de chances qu’un fantassin de sauver [sa] peau» mais, en 1917, «le groupe monta prendre position dans le secteur du chemin des dames, à Oulches». Il découvre une horreur qui le conduira à faire une tentative de suicide – comme le suggérait déjà le roman Petit-Louis quelques années auparavant.» (Jean-Luc Martinet, Origine de l’écriture et origine sociale : La figure du père chez Eugène Dabit in Anne Mathieu et François Ouellet (dir.), Journalisme et littérature dans la gauche des années 1930, Rennes, Presses universitaires de Rennes 2014, p. 165-175, Open Edition, 2019.)
Téléchargements : DOC/ODT