Colette – Claudine s’en va

Colette – Claudine s’en va : Annie est mariée à Alain, qu’elle croit aimer, mais elle est surtout sous sa domination et ne prend aucune initiative dans sa vie. Alain part en voyage en Argentine pour plusieurs semaines et Annie se retrouve seule, paniquée et perdue. Elle n’a que le droit de voir sa belle-sœur Marthe, une femme libre mais autoritaire qui la rebute et l’intimide mais qu’elle suit docilement en cure thermale puis à Bayreuth. Car avec Marthe au moins, elle peut voir du monde et surtout rencontrer Claudine et son mari Renaud qui la fascinent tant ! Au de ces deux êtres amoureux et pleins de fantaisie, elle prend goût à la liberté, elle a envie de sortir du carcan conjugal et d’enfreindre tous les ordres et conseils de son mari.

On retrouve dans ce roman tout l’art frivole, l’écriture poétique, nerveuse et jouissive de Colette qui, par l’entremise de son héroïne, donne une belle leçon de liberté et de détermination à la jeune et fragile Annie.

Claudine s’en va est le quatrième volume de la série des Claudine. Il paraît en 1903 sous la signature de Willy, alias Henry Gauthier-Villars, le premier mari de l’auteure, qui en revendique la paternité comme il l’a fait pour les trois autres. Dans sa belle étude sur Colette, Michèle Sarde* (90-201) rappelle en effet que derrière la façade de critique musical et de célèbre romancier de Willy se cache « un exceptionnel exploiteur des talents d’autrui » (134) qui emploie une dizaine de prête-plume (des écrivains connus, d’autres beaucoup moins) pour fabriquer des œuvres dont il s’approprie les droits d’auteur aussi bien que la reconnaissance littéraire (197). C’est le cas de Colette qui est l’une de ses principales « ouvrières », travaillant d’abord gratuitement, puis contre une maigre rémunération. Si Colette n’est pas dupe de sa situation, elle est encore à ce stade une victime consentante, voire complice. Car l’impuissance littéraire de son époux n’a d’égale que son « génie de la publicité » (141) : les Claudine connaissent un immense succès commercial dont Willy empoche les dividendes, se gardant bien d’en faire profiter son épouse, qu’il trompe d’ailleurs allègrement. Mais à partir de 1903 l’épouse soumise et doublement trompée en tant que femme et écrivaine commence à s’insurger. Elle décide d’assumer à elle seule l’entière exécution de Claudine s’en va, sans laisser à son mari l’occasion de s’en mêler comme il en a l’habitude. Ce début de prise de contrôle (invisible puisque le roman paraît sous la signature de Willy) représente pour Colette un premier tournant dans sa vie et sa carrière. Le titre de ce quatrième Claudine peut nous induire en erreur : car ce n’est pas Claudine mais Annie qui s’en va. Mais dans cette autofiction où se multiplient les jeux de miroir, les deux personnages sont les facettes complémentaires de l’auteure « libre et entravée » que décrit Michèle Sarde, une femme qui prend peu à peu la mesure de son propre talent et se met soudain à secouer ses chaînes. Willy ne s’y trompa pas : il sentit que le vent était en train de tourner et qu’il ne serait plus longtemps seul maître à bord.

[*Sarde, Michèle. Colette, libre et entravée. Paris : Stock, 1978.]

Claudine : « Annie, il y a dans les champs chez nous, une graminée fragile qui vous ressemble, à tige mince, avec une lourde chevelure de graines qui la courbe toute. Elle a un joli nom que je vous donne quand je pense à vous, « la mélique penchée ». Elle tremble au vent, elle a peur, elle ne se redresse que lorsque ses grains sont vides. »

La couverture reprend des éléments de l’illustration de l’édition princeps (Paris, Ollendorf, 1903), réalisée par Eugène Pascau (maquette Laura Barr-Wells).

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