Cingria Charles-André – La Reine Berthe et sa famille (906-1002)

Cingria Charles-André – La Reine Berthe et sa famille (906-1002) : La Reine Berthe, pour les enfants de ma génération qui jouaient dans la Tour de Marsens, n’était pas tant une légende qu’une présence vivante. Nous nous attendions presque à la voir surgir au détour des escaliers. Une légende que ne renierait pas Charles-André Cingria. Dans une sorte de préfiguration de la Nouvelle Histoire – où fit irruption l’étude des représentations collectives, des structures de ce qu’un autre appela l’inconscient collectif, des idées, des ensembles sociaux, bref d’une peinture globalisée de la vie quotidienne, si j’ose m’exprimer ainsi – il refusait de trier entre faits « objectifs » et « histoires ». Qu’elles soient même légendes, qu’importe, puisqu’elles retraçaient la vie !

L’histoire positiviste « renaniste », comme il l’appelait, sèche et critique, ne laisse que du vide alors que l’imprévu et l’illogisme fourmillent dans la vie quotidienne. Non qu’il manqua d’érudition : « incollable sur les généalogies » [de Courten, Maryke, 1997] il n’avait rien à prouver dans la connaissance des troubadours et l’histoire du Haut Moyen Âge. Le meilleur écrit historique, écrivait-il, ne devrait-il pas être une suite de citation de sources ? Pour La Reine Berthe et sa famille, les chroniques de Liutprand, l’évêque de Crémone, lui en fournirent la matière [id.] sans que Cingria résiste à des digressions aussi intéressantes, souvent, que le fil du récit.

Alors qui était la Reine Berthe ? Pratiquement la seule figure féminine connue de l’histoire suisse ancienne que l’imaginaire populaire dépeint en train de parcourir le pays romand à cheval, filant sa quenouille et enseignant les fillettes. Sceptre ou quenouille ? qu’importe ! Épouse de Rodolphe II, roi de Bourgogne puis de Henri dans un mariage politique, elle fut aussi reine d’Italie. Doublement veuve, ses initiatives concernèrent alors principalement la Bourgogne transjurane, comme l’appelle Cingria (la Bourgogne englobait alors selon les périodes une bonne partie de la Suisse, la vallée du Rhône et la Provence). Elle initia ainsi des routes, des églises et des monastères comme la construction de l’Abbatiale de Payerne où sa fille l’inhuma en un emplacement aujourd’hui oublié.

Et Charles-Albert Cingria ? Né et décédé à Genève (1883-1954), le futur « aventurier de l’écriture » [Corbellari, Alain, 2021] qui aimait à se définir comme « italo-franc(o)-levantin » [id.], commence par la musique avant de s’intéresser à la littérature.  À 24 ans, ses amis décident sans l’avertir de publier l’une de ses lettres au vu de sa qualité. Succès. Établi à Paris, l’écrivain naîtra vingt-trois ans plus tard, après une arrestation de trois mois en Italie liée à son homosexualité, mais restera inclassable dans son mélange des genres, ant du é au présent, déroutant par son écriture et son art de conteur émaillé de digressions volontaires. Mais malgré la reconnaissance de ses pairs – citons, entre autres, Ramuz, Stravinsky, Paulan, Claudel (dont il s’éloignera), Cocteau, Max Jacob, Artaud, Satie ou Robert Desnos – il vivra dans une certaine misère. La Reine Berthe et sa famille (1947) que nous publions ici, fut, après notamment La Civilisation de Saint-Gall, un essai sur le plein chant de 1927, et Pétrarque, 1932, le dernier et le plus élaboré de ses écrits historiques.

[Sources : Corbellari, Alain. « Un aventurier de l’écriture Musée », in National, Blog sur l’histoire suisse, version du 06.2021 ; de Courten, Maryke. « Charles-Albert Cingria », in Roger Francillon (dir.), Histoire de la littérature en Suisse romande, t.II, Lausanne, Payot, 1997, 449-471, cité par Les Amis de Charles-Albert Cingria (https://cingria.ch.) ; Tremp, Ernst. « Berthe », in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), traduit de l’allemand, version du 11.06.2024 ; Walzer, Pierre-Olivier. « Cingria, Charles-Albert », in DHS, version du 22.12.2003.]

« Son récit de la vie de la Reine Berthe, qui conduit le lecteur dans l’ancienne Suisse, et aussi en Provence et en Italie, au Xe s, est d’une extrême drôlerie, et d’une science confondante. L’enthousiasme, le plaisir du conteur, le goût du détail, les chatoiements de la prose, font de ce livre une expérience mémorable. » (Henri-l-oiseleur, 02 décembre 2015, Babelio.) D’autres en trouveront la lecture moins aisée, mais tous apprendront à mieux connaître la période qui suivit Charlemagne, en Bourgogne, en Suisse, en Italie et même en Provence.

Téléchargements : DOC/ODT

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *